Parmi les guerres qui ne finissent pas (et dont on ne se souvient d’ailleurs plus vraiment comment elles ont commencé), celle-ci est sans doute la plus connue et la plus fameuse. Peu traitée en Afrique, elle s’apparente à une toile d’araignée géante et hautement complexe, où s’entremêlent politique et religion, rendant le terrain aussi glissant qu’une patinoire suisse. Mais dans le même temps, c’est précisément cette complexité qui nous offre un joli paradoxe : car si ce méli-mélo fait de pouvoirs terrestre et de pouvoir divin rend le conflit assez difficile à résoudre, il nous permet à la fois d’en comprendre assez facilement les origines.
Et parce qu’il nous est impossible de remonter de plusieurs millénaires jusqu’à l’époque où, selon la tradition hébraïque, Dieu lui-même aurait offert aux enfants d’Abraham le pays de Canaan, la fameuse « Terre Promise », nous allons nous fixer sur une période beaucoup plus proche de nous, et aborder l’histoire de façon beaucoup plus cartésienne.
D’HIER À AUJOURD’HUI
C’est en effet à partir de la fin de la Deuxième Guerre Mondiale que tout se gâte réellement entre ces deux peuples, dont les signes distinctifs particuliers sont le judaïsme pour l’un, et l’islam pour l’autre. Et autant le dire d’entrée de jeu, les responsables originels du chaos d’aujourd’hui ne sont en fait ni les Israéliens ni les Palestiniens eux-mêmes, mais (encore et toujours)… ces bons vieux Européens (oui oui !), dont on retrouve décidément les traces à la source du moindre problème politique dans le monde.
Et voici comment tout a commencé :
Avant la Première Guerre Mondiale (soit au début des années 1900), le territoire qui comprend aujourd’hui la Palestine et Israël faisait partie intégrante de l’empire Ottoman ; on y dénombrait à peine 10% de Juifs, puisque la quasi-totalité d’entre eux était disséminée à travers le monde, principalement en Europe. Mais en bons sorciers, les Européens vont peu à peu s’illustrer par une xénophobie notoire envers ces Juifs-là, les accusant sans cesse d’être responsables du marasme économique, et appréciant peu leur particularisme religieux. Tant et si bien que le rêve de retrouver la Terre Promise naîtra de plus belle dans l’esprit de cette diaspora éparpillée : c’est cette doctrine politique du retour au bercail qu’on appelle le « sionisme » (en référence à la montagne de Sion, que les Psaumes présentent comme la montagne sacrée où Dieu tient sa demeure).
Et puisqu’à la fin de la guerre l’empire Ottoman est vaincu, la Palestine tombe sous contrôle occidental, plus précisément britannique. Londres en profite alors pour promettre aux plus de 150 000 Juifs vivant sur son territoire de les aider à réaliser leur rêve de retour, en leur créant une sorte de « foyer national » en terre palestinienne. Sauf que la défaite de l’empire Ottoman ne signifie pas que la Palestine a été vidée de sa population, oh que non ! Et comme on pouvait s’y attendre, le million de Palestiniens installés sur place depuis belle lurette ne voient pas du tout d’un bon œil ces nouvelles arrivées massives (Entre 1914 et 1930, les Juifs passent de 10 à 17% de la population totale). Alors, lentement mais sûrement, la tension grimpe. Jusqu’à ce que…
MEIN KAMPF !
À partir de 1933, un homme complètement fou va accélérer l’exode des Juifs vers la fameuse Terre Promise. Son nom : Adolf Hitler. Sa profession : chancelier du Reich (c’est-à-dire du royaume) allemand, et tueur de masses à ses heures perdues. Durant son règne de 12 ans, il va pousser l’antisémitisme (c’est-à-dire la haine envers le peuple sémite, donc le peuple Juif) à son paroxysme, et orchestrer un génocide inénarrable. Jusqu’à sa mort le 30 avril 1945 à Berlin, le moustachu le plus célèbre de l’histoire va massacrer plus de 6 millions de Juifs et provoquer un traumatisme sans précédent au sein de la communauté, pour qui la nécessité d’un foyer national apparaît alors plus que jamais comme la plus absolue des urgences. Ainsi, en 1948, la population juive en Palestine avoisine les 650 000 personnes (pour près d’1 400 000 Palestiniens, soit désormais près d’un tiers des habitants.
Pourquoi je choisis ici l’année 1948 ? Parce que c’est cette année-là que, le 14 mai, l’État d’Israël est créé, par la résolution 181 de L’ONU votée quelques mois auparavant. « Enfin ! », pourrait-on se dire. Sauf que c’est à ce niveau que les problèmes vont véritablement commencer. Car d’une part, Israël aurait très bien pu créer son État ailleurs, par exemple chez ses alliés américains (où une simple région comme le Texas est à elle seule plus vaste que la France). Mais par dogmatisme religieux, les Juifs ne s’imaginent évidemment pas s’installer ailleurs que sur les lieux que leur a attribués Dieu en personne ! Et quand vous avez en face un peuple palestinien dont la religion considère aussi Jérusalem comme une cité incontournable (la 3eme ville sainte de l’islam après la Mecque et Médine), vous obtenez une cohabitation… très compliquée.
D’autre part, sous l’impulsion du leader du mouvement sioniste David Ben Gourion, les Nations Unies ont validé la création de l’État d’Israël de manière plus ou moins forcée, car sans l’accord des Palestiniens sur place, ni celui des pays arabes aux alentours (Egypte, Syrie, Jordanie, Liban, Iran, Irak etc…). La solution de partager la Palestine en deux États voisins l’un de l’autre était débattue depuis un moment, mais aucun consensus n’avait jusqu’ici jailli des discussions entre les principaux concernés. À ce propos, alors même que les Israéliens sont trois fois moins nombreux que les Palestiniens, la résolution de l’ONU leur accorde… plus de la moitié (environ 55%) du territoire ! Chose inacceptable pour les Palestiniens, et pour le monde arabe environnant.
Et c’est là, avec la création de l’État d’Israël dans ces conditions hautement toxiques, que la cohabitation compliquée va définitivement virer au cocktail explosif ! Le lendemain même de l’annonce de la création d’Israël, les pays arabes voisins déclarent la guerre au tout jeune État : ce fut en quelque sorte le premier conflit israélo-palestinien de l’histoire. Il se solda par une lourde défaite de la coalition arabe, face à ce nouveau pays qui, bénéficiant d’un soutien militaire occidental massif, fit passer sa superficie de 55% à 77% du territoire partagé. Les seuls endroits qu’Israël ne contrôle pas sont alors la Cisjordanie (qui désigne plus ou moins la partie du territoire qui est limitrophe à la Jordanie), et la célèbre bande de Gaza (qui fait face à la Méditerranée, coincée entre Israël et la mer). Privés de leurs terres, des centaines de milliers de Palestiniens sont contraints d’aller voir ailleurs.
Puis, en 1967, lors de la « Guerre des Six Jours » (qui ne dura en effet que 6 jours, du 5 au 10 juin), la même coalition tentera de récupérer les territoires perdus. Mais elle perdra au contraire encore davantage de terrain, et Israël occupera cette fois aussi bien la Cisjordanie que la bande de Gaza. Et en bonus, il s’emparera même de la péninsule du Sinaï (appartennant à l’Égypte) et du plateau du Golan (appartennant à la Syrie). Ce n’est qu’en 1974, à la fin d’une troisième guerre, la guerre du Kippour, qu’Israël rendra à l’Égypte sa péninsule, et à la Syrie une partie (uniquement) de son plateau. Elle garde cependant le contrôle de la Cisjordanie (jusqu’à ce jour), et de Gaza (d’où elle finira par se retirer en 2005).
PS : Pour créer l’État d’Israël, les États-Unis auront exercé des pressions massives – proches du chantage – à de nombreux pays ayant au préalable souhaité voter contre la résolution 181.
EN BREF :
On le voit, le mix entre le dogme religieux et la xénophobie européenne a conduit la diaspora juive à revenir sur une terre que le temps et la marche de l’histoire avaient depuis fort longtemps ôtée de leurs mains (C’est comme si aujourd’hui les Africains noirs décidaient de récupérer l’Égypte ; c’est totalement absurde). Mais plutôt que de soigner son antisémitisme sur place afin de créer un cadre sécuritaire fiable pour la communauté juive, l’Europe (aidée des USA) va encourager ce retour massif vers la Palestine, et fabriquer ainsi un ÉNORME problème à partir de rien. Comme vous l’avez constaté ces derniers jours avec l’attaque du Hamas (une organisation politico-militaire qui contrôle la bande de Gaza depuis 2007 et qui a juré de mener une guerre sans merci à Israël), ce jeu de ping-pong a continué jusqu’à nos jours, avec d’un côté l’Occident et les Nations Unies qui protègent l’État hébreu, et de l’autre des pays tels que l’Irak, le Syrie, l’Iran ou le Liban, qui ne reconnaissent pas son existence, voire qui souhaitent son anéantissement pur et simple.
Et donc, comme je l’ai dit en ouverture de rideau, la source du problème est aussi simple à comprendre que les solutions sont compliquées à trouver. Mais au-delà des quelques éléments fournis dans cet article (qui n’est en réalité qu’un bref et imparfait résumé du conflit), chacun peut s’amuser à faire le diplomate et à proposer ses pistes de sorties de crise. Qui sait ? Peut-être qu’une panacée inédite en sortira ! Alors imagine-toi Secrétaire Général de l’ONU. Ou imagine que l’Afrique avait réussi son décollage et obtenu le pouvoir diplomatique des USA, et que tu étais le chargé de mission continental : qu’est-ce que tu fais pour régler ce bourbier ?
Ou bien la toile d’araignée est trop dense ?
Par: EKANGA Claude Wilfried